LES MYSTÈRES DE L’ENCENS

Les effluves d’encens et autres résines à brûler ont bercé ma petite enfance. Ce sont des odeurs qui me sont familières, synonymes d’un certain bien-être et de sécurité. J’ai eu l’occasion de les redécouvrir pour mon plus grand bonheur lors de mon expérience professionnelle au sein de Patio de los Perfumes à Grenade, que je remercie pour leur formation et leur contribution. J’ai toujours eu ce besoin de revenir aux sources, comprendre comment et pourquoi. L’origine des choses me fascine, d’où, peut-être, mon affection toute particulière pour le naturel. L’encens en est mon plus bel exemple.

Origines et symboles d’un parfum sacré 

Sentir, toucher, brûler cette résine précieuse nous transporte au Moyen-Orient. Plus précisément, dans le sud de la péninsule arabique d’où elle partait pour un voyage de six mois le long de la route de l’encens à destination de la méditerranée. Du IIIème au IIème siècle avant J.C, cette route était le plus grand réseau de routes commerciales allant de l’Égypte à l’Inde en passant par le Moyen-Orient. Elle a fait la fortune de plusieurs royaumes arabes. Les marchandises qu’on y transportait étaient très précieuses comme les épices exotiques, le sel pour la conservation des aliments et la cuisine, la myrrhe mais aussi et surtout l’encens, autrefois plus précieux que l’or. La route de l’encens était un voyage épuisant plein d’intrigues, riche en histoires et personnages épiques. 

L’encens ou oliban, que l’on trouve au sud de la péninsule arabique mais aussi au nord-est de l’Afrique et en Inde, est une résine que l’on obtient par incision d’un arbre de la famille des Burséracées. Son nom vient du latin « incensum », désignant une matière brûlée en sacrifice. En effet, cette matière est très sacralisée. Considéré comme le plus vieux parfum du monde, l’encens a accompagné les rituels de beaucoup de religions et civilisations. Cité dans le Coran mais aussi dans la Bible, il fut notamment offert par les Rois Mages au Christ avec l’or et la Myrrhe. Il rentre aussi dans la composition du Kyphi, le premier parfum recensé à ce jour, utilisé par les égyptiens comme médicaments et qu’ils brûlaient pour honorer les dieux. Grâce à l’encens on revient finalement à l’origine sacrée du parfum, du latin « per-fumum », qui, par sa fumée odoriférante, permettait de communiquer avec les dieux. Son symbole olfactif très puissant a traversé les époques et les frontières.

La fumée qui guérit

Au-delà de ses nombreux mystères empreints de symboles, l’encens est apprécié en phytothérapie pour son effet bénéfique pour la peau car cicatrisant, pour l’esprit car apaisant et propice à la méditation, pour le corps car immunostimulant et très efficace dans le traitement des troubles respiratoires.

Rituel ancestral

On peut brûler l’encens sur un charbon ardent dans un encensoir rempli à moitié d’argile. Ses fumigations me rappellent indéniablement l’encens d’église livrant ses facettes zestées, vertes et boisées, légèrement baumées et ambrées. Elles font écho à un geste ancestral de certaines régions d’Orient et d’Afrique, encore pratiqué aujourd’hui, qu’est le parfumage du corps et des vêtements. De par ses fumigations on créer finalement un lien avec nos ancêtres. Sentir l’encens n’a jamais été aussi agréable que lorsqu’on prend conscience de toutes ces choses.

Sillage mystérieux 

J’ai pu découvrir deux variétés différentes d’encens que sont l’encens de Somalie (Boswelia Carterii) ainsi que l’encens d’Oman « Al-Hojari » (Boswelia Sacraa) en résine et en essence. J’ai la chance de pouvoir formuler avec l’essence d’encens d’Oman « Al-Hojari » originaire de la région sud du sultanat d’Oman, l’un des berceaux de l’encens. J’aime l’effet qu’il donne aux compositions, comme une facette mystérieuse et spirituelle. En tête il apporte sa facette aromatique, verte, camphrée, ancostique, presque zestée et en cœur/fond ses notes balsamiques, résineuses et boisées, plus épicées de poivre et de muscade. Je lui trouve presque une facette ambre gris ! J’ai aimé son effet doux et balsamique associé à la vanille ou épicé et chaud accompagné de cannelle. Le romarin en touches permet de renforcer son effet aromatique. Certaines matières premières ont un effet encens que je trouve intéressant chacun à leur manière comme la myrrhe et le Palo Santo dans leur facette ambrée, le benjoin et le labdanum dans celle balsamique, l’élémi dans celle zestée, épicée et aromatique, le copal dans celle toujours aromatique et épicée mais aussi le patchouli dans celle fumée ou encore le oud dans celle boisée et résineuse. Par le toucher, le goût et l’odeur, l’encens, en essence, résine ou fumigations, offre une expérience sensorielle unique et inédite.

L’encens a forgé une partie de l’histoire humaine. Pour son odeur, son origine, son histoire, les mythes et légendes qu’il a inspiré et plus encore, l’encens fait désormais partie de mes addictions.

Élodie Durbec, élève parfumeur matières premières naturelles

Quelques parfums iconiques