ROSA, ROSAE, ROSE DE MAI

Bien que son odeur m’ait toujours fascinée, riche en émotions et souvenirs, j’ai toujours appréhendé de travailler la rose. Trop complexe, trop symbolique, trop célèbre. On m’a alors donné l’occasion de commencer à la comprendre, d’oser la travailler, de la sentir, de l’apprendre et de découvrir sa versatilité. J’ai ainsi pu me familiariser avec l’absolue de rose de Mai de Grasse mais aussi avec l’essence et l’absolue de rose Damascena de Bulgarie et l’enfleurage de rose Damascena de la vallée des Roses d’El Kelaa M’Gouna au Maroc. A chacune leur signature olfactive, à chacune leur charme.

En ce mois de mai, je ressens le besoin de vous parler d’elle. Et plus particulièrement de la rose Centifolia aux « Cent-feuilles » que l’on appelle plus communément rose de Mai, mois de sa récolte. Confidentielle et convoitée, c’est une matière première d’exception en parfumerie. 

Bien moins opulente, fruitée, florale que la rose Damascena, la rose Centifolia de Grasse a la particularité d’être plus sauvage, herbacée, miellée, rappelant le foin, le tabac et les pétales séchées. J’aime l’effet champêtre et poudré qu’elle apporte en composition. On l’utilise en absolue pour notamment donner du corps et du volume à une formule. Elle déploît ainsi toute sa richesse généralement en cœur pour résonner jusqu’en fond.

J’ai aimé son association avec le pamplemousse qui lui apporte de l’éclat, avec le poivre pour renforcer ses facettes épicées et lui donner plus de caractère, avec la camomille romaine pour accentuer ses effets fruités et la rendre plus aromatique, avec le patchouli pour exhaler sa facette plus sombre et boisée, avec l’osmanthus pour la rendre plus veloutée, avec le mimosa pour une note plus poudrée ou encore avec l’iris en touches qui peut lui donner des accents fruités rouges. 

Originaire du Caucase et de l’Iran, cet hybride est né d’une mutation entre plusieurs autres variétés de roses dont la rose Gallica, Canina et Damascena. La rose de Mai a été introduite en France à la fin du 16èmesiècle et est aujourd’hui emblématique du pays grassois. Elle est cultivée au Maroc, en Tunisie, en Egypte, en Inde et en très petites quantités en France à Grasse. Cette rose, ne fleurit qu’une fois par an au mois de mai, offrant un spectacle olfactif inédit. On la récolte à la main, à l’aube, le jour même de son éclosion afin de conserver toute sa fraîcheur. Elle subit aussitôt une extraction aux solvants volatils pour en obtenir, par la concrète, sa précieuse absolue. On peut aussi extraire son eau florale par distillation à la vapeur d’eau et non son essence pour la rose de Mai de Grasse, son rendement étant trop faible. 

En phytothérapie on utilise son hydrolat pour ses propriétés purifiantes, rafraîchissantes et adoucissantes. Elle tonifie, apaise et protège les peaux délicates, sensibles et matures. 

Symbole de grâce et de Grasse, elle a traversé les temps pour s’imposer aujourd’hui comme la reine des fleurs. Fraîche ou chaude, propre ou sale, printanière ou orientale, ange ou démon. La rose est surprenante de complexité et de dualité offrant des déclinaisons sans fin. 

Peut-être n’arrête-t-on jamais de la découvrir et c’est finalement ce qui rend cette fleur aussi captivante et curieuse à mes yeux. 

Je tiens à remercier Patio de los Perfumes à Grenadepour leur formation et leur contribution.

Élodie Durbec, élève parfumeur matières premières naturelles

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