La création nous amène parfois sur ses propres rivages en nous offrant l’opportunité de faire de belles découvertes. La finalité est toujours la même, arriver à bon port. C’est lors d’un travail exploratoire de création que j’ai pu ainsi découvrir le voyage olfactif qu’offre l’ambre gris. Cette matière première se marie avec une facilité déconcertante aux compositions en apportant sa signature, unique en son genre.
L’ambre gris, ou physeter macrocephalus, est une concrétion expulsée par le cachalot. Elle prend la forme d’une pierre fragile à l’odeur nauséabonde. C’est avec le temps passé à la surface de la mer réchauffée par les rayons de soleil que cette concrétion va s’oxyder et son odeur se raffiner. D’abord très animale, son odeur se fait plus minérale dans le temps et sa couleur blanchit. Arrivé à une certaine maturité, l’ambre gris perd de son efficacité olfactive. On dit alors que sa durée de vie est atteinte.
J’ai eu l’occasion de participer au test qui permet de définir de l’ambre gris naturel de tout autre substance. Un petit morceau de la matière est déposé dans une cuillère. Un briquet est placé en dessous afin de le faire fondre. La pâte obtenue doit être bien ambrée ou noire et pâteuse. Si cette dernière colle entre les doigts, vous détenez bien de l’ambre gris entre vos mains.
Matière première rare et désirée, elle fait le bonheur des chanceux qui croisent son chemin, les lendemains de tempêtes, sur les côtes de la route des Cachalots. D’Oman à la Nouvelle-Zélande en passant par Madagascar et les Maldives, c’est principalement l’océan Indien qui nous offre cet « or blanc » au prix et à la rareté parfois inestimable. Bien que le cachalot soit une espèce protégée, le commerce de l’ambre gris est légal.
Considérée comme un « déchet » obtenu sans manipulation de l’animal, son utilisation en parfumerie reste cependant controversée d’un point de vue éthique et législatif. Impossible donc à sourcer à grande échelle, cette matière est aujourd’hui reproduite synthétiquement notamment grâce à l’Ambroxan qui, je trouve, apporte ce même sillage unique, complexe et sensuel propre à l’ambre gris dans une version plus moderne.
J’ai eu l’opportunité de pouvoir être initiée à la création avec du véritable ambre gris en teinture. Excellent fixateur, l’ambre gris travaille davantage en fond où il joue le rôle de liant. Je trouve qu’il apporte une certaine chaleur mais aussi de la rémanence et de la sensualité. Tout particulièrement avec la vanille, le santal, l’iris ou encore le patchouli dont j’ai aimé l’association. Surprenante de complexité, c’est son évolution qui m’a marqué avant tout. D’abord très animale, marine et minérale, l’odeur qui émane de la teinture d’ambre gris se dévoile boisée, tabacée, presque cuirée, musquée et poudrée.
On l’utilise notamment pour donner des accents marins, musqués ou ambrés. En naturel, certaines matières ont une facette ambre gris qui permettent d’accentuer son effet ou de le remplacer comme la teinture de tabac, le labdanum, le oud ou encore l’encens.
Créations exploratoires ou simples accords, j’ai bien conscience que son utilisation ne reflète pas la réalité du travail de création aujourd’hui. Mais travailler l’ambre gris fut un réel bonheur et une chance dont je garderai le souvenir.
Je tiens à remercier Patio de los Perfumes à Grenade pour leur formation et leur contribution.
Élodie Durbec, élève parfumeur matières premières naturelles



Quelques créations





