
Un signe, extérieur à la marque et à sa nouvelle fragrance, s’invite depuis quelques années dans les publicités. Un signe, qui provient de l’intimité des mannequins. On peine à y croire, quand l’expression des ambassadeurs des marques est bannie ou travaillée selon des codes très précis, pour laisser toute place à la seule expression du produit. Dans une récente interview à la presse féminine, Isabella Rossellini revenait sur ses années Lancôme : « quand on défilait pour des cosmétiques dans les années quatre-vingt, on n’était pas censé s’exprimer. Je devais enlever mon alliance pour les shootings. Ma vie privée le restait ». Comment ce signe, loin du monde du luxe, s’est glissé sous les projecteurs ? On le disait « mauvais genre », on le cachait dans le monde professionnel. Aujourd’hui encore, on le justifie pour le faire accepter « tatouée mais bien élevée » scandent les T-Shirts « deparis ».
Ce signe, largement démocratisé dans les communications Guerlain dès 2017, est le tatouage. Angelina Jolie, pour « Mon Guerlain », arbore dans le creux de son bras, des écritures à l’encre noire. Tout s’intensifie en 2018, avec cette même fragrance, cette même actrice, qui présente cette fois son dos grimé de son identité visuelle ou son épaule tout aussi intimement dessinée. Elle ajoutera « Mon Guerlain, est mon tatouage invisible, dont je me recouvre généreusement le corps ».
En 2018, ce signe est adopté par Yves-Saint Laurent, dans son nouvel opus de « Black Opium » avec Zoë Kravitz, qui dans une soirée tokyoïte endiablée, affiche son bras habillé d’intimité. Sur les réseaux sociaux, de façon plus timorée, c’est un nuage que l’on aperçoit sur le poignet d’une ambassadrice Dior pour « Joy ».
Les parfums sont par essence unisexes, cette tendance l’est aussi. Dès 2013, Paco Rabanne mise sur ce signe en choisissant Nick Youngquest, pour magnifier sa fragrance « Invictus ». C’est tout un torse personnalisé, que nous présente cet ancien rugbyman australien. Dior se lance dans l’aventure en 2015, pour « Sauvage » avec Johnny Depp aux bras emplis de symboles. Diesel s’éprend de la « tattoo mania » et lui offre un nom et un flacon. Au masculin en 2012 avec « Only the brave Tattoo », puis au féminin en 2013 avec « Loverdose Tattoo ». Un écrin aux airs d’encre de chine et une écriture empruntée à la calligraphie.
Clin d’œil au Street Art, dont le temps a été long avant de s’afficher aux côtés d’œuvres « plus conventionnelles » dans les musées nationaux. Le tatouage s’est affirmé au Quai Branly en 2015 au travers de l’exposition « Tatoueurs-Tatoués », lieu prestigieux où dialoguent les cultures du monde entier.
Qu’évoque le tatouage pour être courtisé par les marques de luxe ? Il parle du lien entretenu avec le corps, son appropriation, sa personnalisation, sa magnificence. Il évoque l’intimité qu’il appréhende subtilement. C’est un langage, un moyen de parler de soi fondé sur le visuel dont émane un message sensoriel. Il évoque le temps, la continuité. C’est une empreinte éternelle, un engagement.
Corps, intimité, message sensoriel, empreinte éternelle. N’est-ce pas le sens des essences des marques de luxe ? Le parfum ou la version olfactive du tatouage. Le parfum est à l’odorat, ce que le tatouage est à la vue : une communication confidentielle à travers un sens. Le tatouage ou la nouvelle fragrance visible ? Est-ce un message subliminal sur la fidélité retrouvée à une fragrance ? Une manière de lutter contre le zapping olfactif. Tatouage et création olfactive, une communication sensorielle entre deux arts, qui n’ont pas fini de nous surprendre.
Delphine Orofino